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LA DECOSTERATTITUDE vol. II
8 décembre 2008

THIBAULT LE VOLEUR

Je me souviens très bien de mon premier vol. C'était chez ma demi-soeur (la plus vieille, celle que je ne vois jamais). A l'époque, on se voyait souvent et puis, à la suite de différends avec mes parents, plus de nouvelles (enfin presque).

Toujours est-il qu'un jour de 1993, nous étions invité mon père, ma mère et moi-même pour le déjeuner, chez elle. Nous nous y rendons: on dit bonjour au couple ainsi qu'à mes deux neveux (avec le dernier, on a une différence d'âge de deux ans).

En entrée, il y avait des crevettes (ma vie est intéressante, vous vous en êtes rendu compte j'espère) et ce qui me dégoutait, c'était les yeux. Il fallait les décortiquer et étant un néophyte en la matière, je laissais la basse besogne à ma mère. Mais je n'étais pas néophyte qu'en décorticage de crevette, le vol n'était pas encore une des nombreuses cordes de mon arc.

Plus loin, il y a avait une pléthore de jouets. Des légos avec des bonshommes. J'en avais déja des légo mais des petits bonshommes -tels que ceux qui me nargaient-: jamais. Je me disais que ce serait formidable d'en avoir un, rien qu'un seul, pour le mettre en scène dans mes maisons en légo que je dégommerai à coup de pelleteuse miniature. Et puis, si je ne parviens pas à m'endormir, je pourrai jouer avec sous la couette, éclairé par ma lampe de chevêt ou ma lampe de poche, tout en étant aux aguès du côté du couloir, guettant tout bruit de pas suspect.

lego_logo

Allez, rien qu'un seul ça ne se verra pas. Au pire, même si ça se voit, il y en a plein d'autre, ils n'en sont pas à un près. Et puis: qui pourrait me soupçonner? Je suis tout le temps sage comme une image! Personne ne portait aucun soupçon sur ma personne...

Je prenais mon courage à deux mains et j'introduisais le petit bonhomme dans la poche droite de mon short gris.

L'après-midi se déroula le plus naturellement du monde. On s'embrasse et l'on regagne nos pénates. Personne ne s'est aperçu de rien. Mission accomplie. Calé au fond de la voiture, je ne pouvais exhiber mon butin, de peur d'être vu par les parents. Un coup d'oeil dans le rétro intérieur est si vite arrivé. Je brûlais d'impatience que l'on rentre à la maison pour filer dans ma chambre et mettre mes plans à exécution.

Quand on rentre, ma mère reçoit un coup de téléphone. C'est ma soeur, Lionelle (pas commun comme prénom pour une femme, je sais). Il manque un bonhomme dans la collection de légo du neveu. Maman me demande si je l'ai. Je répond que non. Elle répond de même à sa belle-fille (Lionelle est la fille de mon père). Mais quand elle raccroche, elle distingue une grosseur dans ma poche (non, à trois ans on ne peut pas suspecter une érection dantesque). "Qu'est-ce que t'as dans la poche, Thibault?". "Rien, Maman" (la mauvaise réponse). Elle me demande de sortir ce que j'ai dans la poche droite.

La tête basse, je déposais aux pieds de l'ennemi le magot. Ma mère décroche le combiné et appelle la police: "Allô la police? Oui mon fils de trois ans est un voleur, il a volé un jouet chez son neveu, venez le mettre en prison au plus vite".

En pleurant, je lui supplie à genoux de raccrocher, je lui jure que plus jamais je ne recommencerai... Dans un élan de compassion et de pardon, elle raccroche et me dit que voler c'est pas beau, que ça ne rapporte que des ennuis et que si ça devait se reproduire, je finirai derrière les barreaux.

Longtemps après, je n'ai plus jamais recommencé. Jusqu'au jour où...

Y'avait une fille dans ma classe (de la maternelle au CE2) qui était née le même jour que moi. Elle était blonde, avec quelques tâches de rousseur et avait pour particularité d'avoir toujours une crotte de nez dans la narine gauche, horizontale, barrant cet orifice depuis l'intérieur.

Elle était sympa mais elle m'était encore plus sympathique quand elle m'avouait avoir un oncle qui avait CANAL+ (décidemment, il faut que je le fasse cet article sur CANAL+), qu'elle aimait le film "le père noël est une ordure" et qu'elle avait vu AU CINEMA la comédie de Didier Bourdon et Bernard Campan: "le pari".

A cette époque, j'étais à une petite table, seul, dans la classe. Derrière-moi, il y avait la fille en question, toujours avec cette sempiternelle crotte de nez. Moi, depuis toujours, j'avais un crayon à papier mais elle, elle avait un critérium, bic et jaune. Cette invention me fascinait surtout par son mécanisme: enlever la gomme pour y glisser les mines. Je ne sais pas pourquoi mais ça m'a toujours attiré... Bref, je convoitais cet ustencil. Et pourtant, il ne me suffisait que de demander à mes parents de m'en acheter un! Le samedi matin, en faisant les courses, mon père passait au rayon des fournitures et on en parlait plus! Mais j'avais un goût amer dans la bouche à cause de cet échec. L'échec de ce premier vol chez ma soeur.

crit_rium

(j'en ai pas trouvé de jaune...)

Pendant plusieurs jours, l'idée de lui voler ce critérium me démangeais terriblement. Jusqu'au jour où elle se retournait et moi je subtilisais en un rien de temps son critérium. Quand elle se remit dans le sens de la marche, elle ne trouvait plus son critérium. Après avoir cherché un bon moment, elle me demande si je sais où il est, s'il ne serait pas sous mon cartable ou ma chaise. Je répond que non, innocent, tout en faisant un trou dans ma gomme avec mon crayon à papier, parvenant à faire sortir la mine de l'autre côté en  la tournant plusieurs fois.

Jamais elle ne retrouvera son critérium et moi, jamais je ne me ferai gauler. Ce sera mon dernier vol. J'ai toujours aimé m'arrêter sur un succès. 

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